Coup d’État en Haïti « revisité »

Coup d’État en Haïti « revisité »
par Pierre Dubuc
L'aut'journal (13 juin 2008)

[N.B. This is an excerpt of a longer review of Peter Hallward's book, Damming the Flood: Haiti, Aristide and the Politics of Containment]

Hallward écrit que le terme OAG serait plus juste que ONG, ces organisations soi-disant non-gouvernementales étant plutôt des organisations d’un « autre » gouvernement. Elles établissent un plan de fonctionnement et d’intervention en fonction des intérêts du pays donateur et minent les initiatives du gouvernement légitime.

L’ONG montréalaise Alternatives, grassement financée par l’Agence canadienne de développement international (ACDI), a participé et participe toujours à cette campagne pour affaiblir le gouvernement central. Bien entendu, cela se fait sous un couvert « progressiste » de décentralisation et de démocratisation, comme en témoignent les textes de François L’Écuyer, le chargé de mission de l’organisme pour Haïti sur le site Internet d’Alternatives.

Le contrôle des médias

Pour Hallward, les ONG constituent la nouvelle forme du contrôle impérial et le principal mécanisme institutionnel et idéologique de reproduction de la classe dirigeante en Haïti. Il donne l’exemple de l’USAID qui se vantait en 2001 d’avoir « formé » avec ses partenaires plus de 11 000 personnes dans presque mille organisations. Pour façonner et consolider cette classe dirigeante, le contrôle des médias est essentiel.

Aussi, il n’est pas étonnant de lire sous la plume de François L’Écuyer, le 6 février 2006, que l’ONG Alternatives « co-gère un programme de la section bilatérale Haïti de l’ACDI en appui aux journalistes et aux organisations de presse » pour la mise en œuvre d’un « vaste programme de renforcement des capacités des médias, particulièrement en vue des prochaines élections ». Rappelons que l’ONG Alternatives publie un supplément mensuel dans le journal Le Devoir.

[...] De 1994 à 2002, Hallward évalue, sur la base de plusieurs sources, à au moins 70 millions $ l’aide américaine aux forces de l’opposition à Aristide regroupées dans des organismes comme la Convergence Démocratique, le Groupe des 184.

Le Canada n’est pas en reste. Hallward raconte que le ministre des Relations étrangères Pierre Pettigrew a rencontré des leaders de l’opposition peu avant le coup d’État et que l’ACDI a accordé une aide financière significative à des organismes comme le Réseau national pour la défense des droits humains et Solidarité Fanm Ayisyen, un organisme féministe. Toujours selon Hallward, d’autres groupes comme Développement et Paix, Droits et démocratie et la Fondation canadienne pour les Amériques ont participé à la campagne de démonisation et de déstabilisation.

Le trio Canada/États-Unis/France ne s’est pas contenté d’organiser l’opposition de droite, mais aussi l’opposition de gauche par le biais d’ONG appuyant la Plate-forme haïtienne de plaidoyer pour un développement alternatif (PAPDA) et le groupe syndical semi-trotskyste Batay Ouvriye, deux groupes chéris de l’ONG Alternatives.

[Original link: http://lautjournal.info/default.aspx?page=3&NewsId=925]